Certaines sorties pêche sont riches d’enseignements et permettent de progresser considérablement dans sur la compréhension du comportement des poissons. Ainsi, une cession au leurre de surface effectuée avec un ami a été riche d’enseignements. Nous sommes en juin et décidons de partir très tôt afin d’éviter les trop fortes chaleurs qui ont tendance à rendre les poissons apathiques. C’est d’autant plus important que nous pêchons dans un étang salin et qu’il n’y a pas un souffle d’air. Avec de telles conditions et dans des zones précises, nous avons l’habitude d’utiliser de petits stickbaits pour le plaisir de l’attaque en surface. Nous privilégions les modèles silencieux comme le Zara Puppy Spook ou à la sonorité aigue comme le Rattlin Spook Heddon.
A peine nous garons-nous que je me précipite sur mes waders. Alors que mon ami termine de se préparer, je n’ai que quelques mètres à faire pour me retrouver sur une plage très plate dont les fonds sont constitués d’accumulation de coquillages. Nous n’y avons jamais fait un seul poisson mais afin de patienter, je décide de faire quelques lancers avec un Mini Spook transparent dos jaune (Coloris double jaune) car ses distances de lancers record me permettront de couvrir plus rapidement que mon ami cette vaste zone. Il y a toujours ce coté « compétition » quand on sort avec un partenaire de pêche !
Après quelques lancers pour voir si les poissons se situent le long des rives, je décide d’avancer en wading afin de pêcher dans plus de fonds. Il faut presque avancer de 50 m pour avoir 50 cm de fond ! Mon compagnon me rejoint et nous prospectons la zone tout en avançant. Notre objectif n’est pas cette plage mais les éboulis rocheux envahis de moules situés à 15 minutes de marche et seulement accessibles en wading. Ce secteur nous ont permis de toucher de beaux bars il y a peu.
Alors que nous progressons vers cette zone, nous repérons une boule de poissonnets dont la présence est trahie par des rides significatives en surface. Ils semblent agités. Nous lançons loin derrière le banc afin de ne pas effrayer d’éventuels prédateurs. Mon ami a opté pour un petit stickbait à la sonorité très claire (un des plus chers du marché !). Je n’ai fait que quelques animations que j’enregistre déjà une première attaque, puis une deuxième : le bar a manqué le leurre. Je relance et décide de récupérer mon stickbait plus lentement en détachant bien les twitchs et en rendant bien la main afin qu’il effectue des long slides (embardées de forte amplitude). Après une courte série, une nouvelle attaque. Cette fois, le poisson est pendu !
Je n’ai ferré qu’après avoir senti le poids du poisson de peur de le perdre. Celui-ci m’offre un combat étonnant au regard de sa taille avec de puissants rushs, -certainement à cause des faibles fonds. Le poisson n’est pas énorme mais c’est un véritable plaisir sur ligne light puisque je pêche avec une canne 5/15 g d’une puissance de 12 lb ! La tresse Cobra 7 /100 est bien assez résistante mais je dois gérer le combat en souplesse car la grande transparence de l’eau m’a contraint à descendre à du 23/100 mon bas de ligne en Fluorocarbon Premium Asso.
Le bar est bientôt sorti de l’eau et mon ami fait quelques photos rapides. En effet, durant le shooting, nous constatons que le banc est toujours présent malgré l’agitation du combat et que les poissonnets semblent nerveux. Je libère le poisson qui repart vers le large à une vitesse spectaculaire. Il est vraiment en pleine forme : tant mieux !
Mon ami a déjà rangé l’appareil et je comprends son empressement. J’en souris. « Après vous cher ami » lui dis-je en désignant la boule de fourrage. Il se replace en s’approchant très lentement et relance son stickbait hors de prix. Premier ramené à cadence normale : aucune touche. Nouveau lancer : il effectue plus de pauses et anime son leurre avec de plus forts écarts latéraux. Une bourle*…puis une autre, mais le poisson semble taper le stickbait bouche fermée. Mon ami ramène plusieurs fois son leurre sans autre signe d’activité et semble désappointé.
Je lui demande si je peux essayer à mon tour. Je n’effectue que quelques animations avec mon Mini Spook que déjà un autre bar déchire la surface pour s’emparer du leurre et effectue un rush. Il est moins gros mais très nerveux : je dois prendre mon temps avec une ligne aussi light. Les fonds sableux sont néanmoins un avantage certain et avec de la patience et le frein bien réglé, le combat termine en ma faveur. Le loup repartira grandir lui aussi sans demander son reste après la séance photo. Doublé de capture et…doublé de relâche. Un pur bonheur !
Note Stéphane Charles :
* Bourle : de burla en provençal : tromperie, moquerie. Par extension, les pêcheurs méditerranéens l’utilisent pour définir les touches ou les attaques en surface manquées. A employer avec l’accent (« bÔÛrle ») tout en étendant les bras au maximum pour illustrer la taille du poisson.
Cette sortie a participé à la création du pattern que j’utilise pour les pêches en surface lors de conditions calmes et dans certains milieux (étangs salins, plages, estuaires). Dans ce type d’environnement, j’apprécie les stickbaits relativement petits (7 à 10 cm). J’utilise d’abord le Mini Spook comme un leurre d’exploration pour prospecter rapidement de grandes étendues d’eau. Avec ses grandes distances de lancer ainsi que sa puissante sonorité basse fréquence, il permet d’espacer mes lancers et de couvrir beaucoup de terrain en quête de bars actifs. En fait, lors de cette sortie, le son lourd de la bille du Mini Spook correspondait parfaitement à ces poissons en pleine chasse. Très provocateur, ce stickbait à joué à fond sur l’aspect incitatif alors que le leurre silencieux de mon ami ne se faisait pas remarquer parmi les poissons fourrage. Il est d’ailleurs à noter que le Mini Spook est également excellent lorsqu’il y a du clapot et du vent fort grâce à cette forte sonorité.
Dans le cas où le Mini Spook ne fonctionne pas, je passe à un stickbait à la sonorité plus claire comme par exemple le Rattlin Spook . Moins « agressif », ses vibrations hautes fréquences permettent d’éviter d’effrayer les poissons méfiants ou éduqués. Dans le cas où ce dernier n’a pas fonctionné ou pour des zones très localisées, je passe alors à un stickbait complètement silencieux comme le Puppy Zara Spook. Puisque certains parlent de « downsizing » (descendre en taille de leurre) en cas de conditions difficiles, je me suis permis d’appeler ce pattern le « downnoising » (réduction progressive du bruit). Essayez : vous verrez que dans les conditions délicates de l’été, c’est une stratégie de pêche qui fonctionne très bien quand beaucoup d’autres échouent !